Billet d'une lectrice "150 ans, c'est l'âge qu'ils totalisent à eux deux."




Imaginez cette photo qui les rassemble : En un instant, le photographe a capturé un mélange de joie et d'énergie.
A l'avant plan, l'espièglerie, à l'arrière plan un grand éclat de rire.
Ils sont les deux ancêtres de l'assemblée du jour, réunie autour de l'anniversaire d'un petit dont ils sont les deux fiers grand-pères.



Dans un film quelconque vu récemment à la télévision, une dame s'adressait à son amie veuve et jeune mère avec la proposition suivante : « pour grandir, ton enfant aura besoin d'un guide, offre-lui un père ».
Qu'est-ce finalement un père, sinon un guide, aimant et bienveillant  ?

Aujourd'hui, quelques années après cette photo, ils ne nous guident plus, ni l'un, ni l'autre.
Une vilaine maladie a capturé la partie logique du cerveau du premier, emportant tous ses souvenirs de l'instant.  Il lui reste le passé et l'émotion. Brute.
Le souffle de la maladie est passé sur le second aussi, de plusieurs autres manières. C'est sa démarche qui est vacillante.  Désormais c'est lui qui a besoin d'être soutenu.
Aujourd'hui, ils dégagent une fragilité qui nous émeut, nous pousse à prendre soin d'eux, autrefois si forts.

Ils sont nés avant la guerre, celle-là même qui a privé à jamais l'un d'eux de son propre père.
Celui-là a renoncé aux études qui l'intéressaient pour ramener de l'argent en soutien des femmes qui l'ont élevé, mère et grand-mère.
L'autre, sur injonction paternelle a du se détourner de l'entreprise familiale déjà investie par ses aînés, pour chercher une autre voie, construire un autre projet, qu'il a développé, fait fructifier et plus tard transmis à ses fils.
Forts, depuis le seuil de leur vie.
Ils ont rencontré, puis épousé des amies. 
Et naturellement pris deux chemins différents.

Hasard ou pas, ce sont leurs enfants qui ont inventé une voie commune.  Sans se côtoyer chacun  connaissait l'existence des autres. 
Les deux aînés, comme dans une histoire contée, se sont rencontrés, reconnus, aimés.  Et ils ont à leur tour fondé une grande famille, dont nos deux anciens sont devenus les joyeux grand-pères.
L'aventure avec les petits de leurs petits a donné lieu à des tas d'instantanés, collectés sur papier glacé.
Et quand est venue l'heure du repos professionnel, le plaisir de transmettre et partager a pu se déployer complètement :
Pappyclown, Papybiberon, Papysieste, Papysucre, Papychips, Papydoudou, Pappysitting, Pappyng-pong, Pappyscine, Papyfoot, Papydanse, Papyplage, Papyvacances, Papypotager, Papyjardin, Papysoleil, Papypluie, Papycourses, Papybricolage, Papyhistoire, Papypapiercollant, Papycafé, Papycoca, Papytoutestpermis, Papyétrennes, Papychou, Papygâteau, Papycadeau...
Plus des guides, non, ce rôle était consumé auprès de leurs propres enfants.  Les valeurs essentielles acquises. A chacun son tour.
Ne restaient plus que le plaisir, l'amour, la disponibilité, l'attention.
Et ils sont devenus des vedettes absolues aux yeux de ces petits !

Les enfants des enfants ont grandi, leurs cousins aussi...c'est le cours des choses.
Leurs occupations, leurs aspirations se sont orientées vers le monde, forts de ces bases affectives solides qu'ils ont reçues.
Mais les liens restent.  Immuables.
Même si, à leur tour devenus forts, ils ne savent pas toujours comment faire avec la maladie et ses conséquences, même si la pudeur a remplacé leur spontanéité d'enfance, dans leur coeur ces deux hommes restent les plus formidables, ceux qui ont posé les bases de leurs propres vies, qui les ont emmenés sur les chemins essentiels.
C'est avec tendresse qu'ils évoquent les nombreux souvenirs.

Ils comptabilisent 150 ans à deux.
Ce cliché pris juste avant que la vie ne diminue leurs capacités, nous parle de joie, de fantaisie et de force, celles qu'ils ont mises dans le sac à dos de chaque membre de leur famille.
Ce cliché est accroché dans un lustre au-dessus de notre table.
Il représente la vie. 
Notre vie.


 Annick,

Pour Zelles Ô Féminin,
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Bonne lecture 


Commentaires

  1. Ben moi! Je dis Bravo l'écrivaine! Que c'est doux, que c'est bon de vous lire!

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  2. Oooooooh, merci !
    Voilà qui m'encourage à poursuivre cette aventure d'écriture, qui me procure beaucoup de plaisir
    Annick

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  3. Quel plaisir de vous lire Anonymous et Annick :-)

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