Billet de lecture sur le livre de Delphine de Vigan "D'après une histoire vraie".
Annick vous propose un billet de
lecture*:
« D'après une histoire vraie » de Delphine
de Vigan.
Une relation d'emprise s'installe selon une trame
subtile. L'effraction est douce,
insoupçonnable, mais petit à petit, à l'insu de la victime, c'est une prise de
possession de tout son être qui s'opère.
On parle beaucoup de la violence de ces relations au sein
des couples ou dans le monde du travail.
Les réseaux sociaux regorgent d'articles sur le sujet, de
trucs et astuces pour se défaire d'une relation toxique.
Il s'agit ici d'une relation amicale, entre deux femmes,
relation dont les contours sont d'emblée ambigus, mais la victime ne s'en
rendra compte, évidemment, qu'à posteriori.
Delphine de Vigan déroule le fil une fois la relation
terminée, à la lumière de l'issue qu'elle connaît.
Consciente des diverses étapes qu'elle peut désormais identifier, elle nous emmène dans ce voyage particulier et destructeur avec L.
Consciente des diverses étapes qu'elle peut désormais identifier, elle nous emmène dans ce voyage particulier et destructeur avec L.
De temps en temps elle évoque des éléments qui donnent du
sens, mais elle ne s'y attarde pas. Elle choisit plutôt de décortiquer le
contexte et d'explorer la naissance et la vie de cette relation.
Et parce qu'elle a ce don de pouvoir raconter une histoire,
tout en donnant accès au monde cérébral et émotionnel riche du personnage qui
la raconte, le lecteur plonge avec elle, conservant cependant une certaine
vigilance, puisque lui a été averti de la toxicité de cette relation dont il
observe la construction.
Tout commence dans la séduction. Acharnée.
Très vite, les questions quant à la réalité des
coïncidences, quant à la juste distance s'envolent, pour laisser place aux
délices d'être soudain si important pour quelqu'un.
La bonne personne au bon moment. Celle qui est disponible, qui écoute, qui
fascine, amuse, qui semble traverser la vie avec force et fluidité. En plein moment de doute créatif existentiel
pour l'auteur, L. se propose comme une alter ego admirative et soutenante.
Comme elle semble respecter tous les paramètres de vie
(compagnon, enfants), aucune méfiance n'a de raison d'être.
Pourtant, très vite, le lecteur observe déjà le lent passage
à l'étape suivante.
Les conversation autour du sens et de l'objet de l'écriture de livres deviennent de longs monologues, puis des tentatives de persuasion. Et L. devient celle qui sait et le fait savoir de façon de plus en plus persuasive, de moins en moins respectueuse.
Les conversation autour du sens et de l'objet de l'écriture de livres deviennent de longs monologues, puis des tentatives de persuasion. Et L. devient celle qui sait et le fait savoir de façon de plus en plus persuasive, de moins en moins respectueuse.
On le devine, la relation va basculer. Un rapport de force va s'installer,
insidieusement.
Peut être serait-il frustrant pour les futurs lecteurs que
leur soit dévoilée la suite des événements.
Ils y trouveront ce qui fait la structure de toute relation
d'emprise : la présence de plus en plus imposante de L., la fragilité
croissante de la victime, vampirisée par l'autre, les aller-retours entre des
moments de tension extrême, de conflit, de prise de distance momentanée, puis
des retrouvailles, les crises de jalousie, le rabaissement, l'isolement
progressif dans une relation exclusive,
le mensonge, la rupture, les doutes des proches et le réveil douloureux.
C'est la particularité de ce récit vécu de l'intérieur et
revisité ultérieurement qui en fait toute sa force. Le lecteur ne peut s'empêcher de se dire que
soit, l'auteur s'est documentée avec une rigueur implacable, soit il s'agit
d'événements vécus.
Et voici d'ailleurs le deuxième niveau de ce récit, qui
explore tout au long de cette histoire la question du sens de l'écriture, celle
de la force créatrice, de l'authentique ou de l'imaginaire, du choix d'écrire
un roman ou un récit de vie, une histoire vraie...ou inventée.
D'ailleurs, L., ou « elle », qui est-ce ? Une
personne véritable, l'auteur elle-même, ou une pure fiction ?
A chacun de se faire une opinion, après tout, c'est « d'après une histoire vraie »...
Annick
Pour Zelles Ô Féminin,
A chacun de se faire une opinion, après tout, c'est « d'après une histoire vraie »...
Annick
Pour Zelles Ô Féminin,
*Retrouvez les précédents billets d'Annick
Merci Annick pour cette critique qui donne envie. Tout à fait mon style de livre. Par contre, si je peux me permettre une petite remarque, pourrais-tu nous dire de quand datent les livres que tu lis? J'adore lire mais, je ne vais plus qu'à la bibliothèque pour me les procurer car je dépensais trop en livres ;-) Du coup, je pourrais savoir si j'ai une chance de le trouver ou si je vais devoir patienter. Merciiii
RépondreSupprimerAudrey D.
Je l'ai acheté début septembre, je pense qu'il venait de sortir, ou dans les semaines qui précédaient.
RépondreSupprimerDu coup, je crains qu'il ne faille patienter un peu en biblio, ou peut être réserver ;-)
Bonne lecture !
Annick